|
Impression d'auteur : Isabel Asunsolo (France)
La genèse des haïkus. Pour dire le temps présent.
Le calepin à la main permet-il de tout saisir sur-le-champ?
Faut-il l'avoir sur soi ? Faut-il avoir le nez en l'air et tout écrire dans sa tête ? Qu'est-ce qui est le moteur du haïku ?...
Daniel Py dit qu'il a toujours un calepin, sage précaution. Je pense qu'il en est ainsi des haïjinn prudents et de tous les vrais écrivains.
A côté de ça il y a les étourdis et les linottes qui n'ont jamais du papier sous la main ni de crayon en état de marche.
Ces derniers s'en remettent à leur mémoire (qui est passible de dégénérescence ou de "dégrisement" de cellules grises comme dit Daniel). Il y a aussi ce temps de latence rythmé par les pas :
l'image est venue, l'image a rencontré la pensée de l'auteur, elle s'est frottée à d'autres haïkus connus. Si l'on écrit tout de suite, on peut être content du résultat et s'arrêter là.
Certains retravaillent ensuite le texte longuement pour le simplifier (la plupart du temps).
Mais si on n'écrit pas tout de suite, on trie, on perd. On continue à avancer et d'autres idées viennent qui chassent la précédente... Une sélection s'opère qui engendre des déchets.
Que garde-t-on tout ça surtout si l'on veut écrire des haïkus "vrais" et non pas "forgés" ?
Parmi les moteurs de l'écriture de haïkus, il y a le plaisir du jeu qui peut entrer en ligne de compte : le jeu des sonorités ou des images fortes, par exemple,
même si ce jeu ne devrait pas être la préoccupation première. Il y a le goût de la correspondance (rebondir, répondre à une idée déjà lue ou émise par quelqu'un d'autre, un haïku classique par exemple ?).
Il y a le désir de coller à une actualité politique, à un fait de société. Il y a le goût de l'expérimentation aussi, ce rêve d'écrire ce que personne n'a jamais écrit (!), de décrire ce que personne n'a jamais décrit.
Il y a le désir de défi que l'on trouve à exprimer beaucoup de choses en peu de mots... Il y a surtout le désir d'exprimer l'univers sensoriel avec des mots. Parfois il y a le désir de coller son propre état d'âme à celui de la nature...
Et il y a le souci du regard des autres. Car écrit-on jamais sans se soucier d'un éventuel lecteur ?
Il peut y avoir le goût de la provocation bien sûr. La provocation peut être un moteur mais ce n'est peut-être pas le meilleur des moteurs. A moins qu'elle ait pour but de faire réagir l'autre de façon salutaire...
On a toujours cette prétention insensée de pouvoir "donner à voir" à l'autre quelque chose de nécessaire !
Il y a une source primordiale pour moi : la source de la reconnaissance (reconnaissance de ce qui est). Elle part du constat de ce qui existe dans un souci très simple de reconnaissance immédiate -
à défaut de l'impossible connaissance. Elle suppose l'auteur tout petit face à ce qui l'entoure. C'est une source philosophique presque inépuisable. Ce n'est pas un optimisme contre vents et marées, déplacé ou naïf et ce n'est pas non plus du zen, je crois...
C'est peut-être le coeur même de la pratique du haïku : reconnaître ce qui est dans l'instant même dans une sorte de confiance. Une sorte d'indépendance aussi même si le regard de l'autre est nécessaire.
Une certitude qui va au delà du regard d'autrui et de toute autre considération.
|
|